Seule une approche structurée en ESG peut rendre l’entreprise plus responsable

Investisseurs, clients et fournisseurs regardent désormais le degré d’engagement des compagnies en termes d’ESG avant de prendre leurs décisions. Comment est-ce que CIEL répond à ces attentes ?

Notre tout premier Sustainability Policy a été rédigée en 2015, mais en réalité, la question de responsabilité sociale et environnementale a toujours fait partie des décisions de CIEL. Avoir un impact positif sur l’environnement et la société est dans l’ADN de CIEL. Il y a environ 5 ans, nous avons souhaité aller plus loin en formalisant notre approche. CIEL venait de redéfinir sa raison d’être, For a world we can all feel proud of, et la vivre pleinement impliquait de placer les ESG au cœur même de nos opérations et de notre stratégie de croissance.

En 2020, le Groupe a donc élaboré une stratégie ESG avec des objectifs précis à 2030. J’insiste sur le terme « stratégie » ; il ne s’agit pas d’un simple engagement qui s’illustrerait par des actions ponctuelles et éparses, des parrainages, etc. Nous voulions d’une approche structurée, avec une vision cohérente, un calendrier d’actions, des KPI et des objectifs mesurables. Nous voulions obtenir des résultats, changer les choses concrètement. En cela, notre approche a quelque chose d’unique.

Nous avons procédé à une consultation avec toutes les filiales du Groupe, qui a permis de mettre en exergue trois axes d’action : Foster a vibrant workforce, Champion inclusive economic growth et Activate climate response. Ce sont des axes pertinents pour l’ensemble des pôles du Groupe CIEL. Ils agissent comme des lignes directrices pour permettre à tous d’avancer en synergie, de suivre une même vision. Nous avons également souhaité une approche holistique du développement durable, ces trois piliers étant intrinsèquement liés. Cette démarche globale et transversale nous donne les moyens d’avoir un impact réel. A partir de ces trois axes, chaque pôle d’activité a posé ses objectifs chiffrés, ses KPI spécifiques par rapport à ses propres réalités et enjeux.


Cette stratégie a-t-elle généré des premiers résultats ?
Ces trois premières années, nous avons investi beaucoup d’énergie à aligner tous nos pôles d’activité sur cette stratégie, à fédérer nos différentes équipes autour de ce projet commun. Nous sommes conscients qu’adopter les bonnes pratiques est un travail de longue haleine. Mais nous voyons effectivement déjà les premiers résultats.

Prenons l’environnement. L'empreinte carbone globale du Groupe a diminué de manière significative. On le doit notamment à l'abandon du charbon comme source d'énergie dans le pôle textile, ce qui a réduit drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Les investissements dans des machines moins énergivores et l’augmentation de la part des énergies renouvelables, dans les pôles santé, hôtellerie et textile, ont nettement amélioré l’efficience énergétique. Nous avons des projets complémentaires en cours pour atteindre notre objectif en matière d’émissions, notamment une réduction de 50% à 2030 des émissions liées directement et indirectement à la fabrication du produit

 

A partir de ce mois-ci, nous serons accompagnés par « Utopies », une société de conseil spécialisée dans le déploiement des stratégies RSE. Cette association va nous permettre d’engager un exercice de bilan carbone à l'échelle du groupe, utilisant une méthodologie solide, qui inclut les émissions de scope 3, c’est-à-dire de toute notre chaine d’approvisionnement, ce que nous importons et distribuons. Nous élargissons ainsi nos ambitions, définies jusqu’ici par rapport aux Scope 1 et 2, c’est-à-dire les émissions directes et les émissions indirectes liées aux consommations énergétiques.


 

Une approche structurée signifie que vous mesurez votre impact. Comment ?

C’est en effet notre posture : on ne peut améliorer que ce qu’on mesure. Et ce n’est pas uniquement l’impact carbone que l’on va mesurer. A chacun des 30 objectifs stratégiques que nous nous sommes posés dans cette stratégie est attaché un KPI. Je vous donne un exemple.

 

Nous avons mis en place une méthodologie rigoureuse en utilisant des systèmes de mesure internationaux, un outil commun pour le Groupe et des outils spécifiques aux pôles d’activité. Le premier système utilisé a été le GRI (« Global Report Initiative ») qui est un framework international. Ensuite, les rapports annuels ont été fait avec un outil complémentaire, le « integrated reporting ». Aujourd’hui, on se tourne vers un outil plus puissant, le UL360. Ce logiciel de référence en matière de durabilité est déjà en place chez CIEL Textile. D’ici la fin de l’année, nous le déploierons dans les autres pôles d’activité. Cet outil intègre le GRI et permet d’avoir une seule plateforme pour le Groupe. Il est recommandé par de nombreuses organisations.

 

Les outils spécifiques aux clusters viennent soit s’aligner sur les standards internationaux, comme c’est le cas pour EarthCheck dans l’hôtellerie, soit répondre à de vraies problématiques comme la traçabilité chez CIEL Textile, où des outils pilotes sont d’ores et déjà lancés. Les outils de mesure sont toujours adaptés aux besoins de la clientèle. On peut mesurer les impacts des mesures mises en place grâce aux KPI’s définis pour chaque cluster. Les données sont compilées puis comparées dans le temps afin de mesurer les progrès.

 

Cela dit, en matière de durabilité, il est important d’anticiper. Nous gardons les yeux rivés sur les nouvelles réglementations qui peuvent nous affecter, notamment l’International Sustainability Standards Board. Nous cherchons à comprendre ce que sera l’impact de l’ISSB sur le Groupe et comment nous pouvons nous y adapter. Nous nous préparons aussi à faire face aux nouvelles règlementations européennes qui veulent s’assurer que le produit final est fait dans de bonnes conditions de travail, plus précisément pour le textile.

 

En matière de « gender », un axe fort de votre plan stratégique, il est particulièrement difficile de mesurer les progrès.

 

Effectivement. Changer les mentalités, s’attaquer à des comportements inconscients, c’est un travail de longue haleine. Mais là encore, nous adoptons une approche basée sur des données pour agir de façon structurée. Nous avons procédé comme pour toute stratégie : diagnostic générale de la situation des femmes chez CIEL, focus groups, plan d’action, objectifs chiffrés… L’engagement ferme et le soutien entier du Group Chief Executive, convaincu qu’il faut plus de femmes managers pour améliorer la qualité des décisions, est fondamental pour avancer. Et nous progressons : le pourcentage de femmes occupant des postes de direction est passé de 27 % à 30 % en un an. Nous sommes convaincus de pouvoir atteindre notre objectif de 35% à 2025. Car nous avons pris des mesures pour créer un environnement favorable à la progression des femmes au sein des différentes entités, allant de l’éducation au « gender » à des politiques concrètes. En matière d’intégration des personnes souffrant d’un handicap, nous avons aussi constaté qu’il y avait une marge de progression importante et nous avons mis en place un programme dédié, Disability Employment Programme.

 

Plus largement, notre objectif 2025 est d’être un « Top Employer brand ». L’attente des employés évolue et c’est important pour nous d’avoir les bonnes pratiques pour pouvoir attirer et retenir les employés. Nous nous sommes associés avec un partenaire international spécialisé qui va mesurer nos pratiques. Deux entreprises sont déjà certifiées dans le secteur textile.


 

Quelle est la place de l’innovation dans votre stratégie durable ?

Elle est centrale. C’est un levier pour être sustainable. Les Innovation Awards de CIEL ont été créées dans cet esprit. L’édition 2023 vient d’être lancée, et les paramètres des projets que chaque pôle est invité à soumettre sont clairs : la satisfaction client, la transformation des modèles d’entreprise, mais surtout la durabilité et l’inclusion. De POP, chez Bank One, au projet de microcrédit à Madagascar BNI, en passant par les méthodes innovantes de traçabilité chez CIEL Textile et l’agri-hood de CIEL Properties, les idées qui ont émergé des précédentes « awards » se sont tous inscrites dans notre stratégie durable. C’est encore cet esprit de créativité qui a permis à nos usines textile d’être des références en matière de circularité : en Inde, six sont des « zero waste factories » et à Madagascar, deux usines sont « zéro textile waste », ce qui signifie que les chutes de tissus sont réutilisées dans le système. Cet esprit doit être nourri pour qu’on puisse continuellement revoir nos process afin d’apporter des solutions aux défis.

 

En réalité, je pense que le lien entre les deux concepts – la durabilité et l’innovation - est plus profond et complexe. L’un influence l’autre. Certes, l’innovation sert la durabilité, elle pousse à imaginer de nouvelles technologies, de nouveaux process pour être plus « clean ». Mais l’inverse est aussi vrai. Un engagement fort en faveur du développement durable influence les orientations stratégiques et augmente la propension à transformer les « business models ».


 

Quels défis rencontrez-vous par atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés ?

Chaque pôle a sa problématique et ses spécificités. Dans le secteur bancaire par exemple, l’un des grands challenges sera de déterminer quels projets peuvent être financés et lesquels ne sont pas conformes à nos normes en matière d’impact social et environnemental. Les cadres règlementaires sont appelés à évoluer pour encadrer ces décisions.

 

Le plus grand défi à mon sens est la gestion des déchets, et il est national. Nous avons un gros besoin, dans le pays, d’infrastructures adaptées, ce qui permettrait de mieux gérer les déchets au niveau des entreprises. Nos hôtels ont une vraie stratégie pour réduire les déchets et le gaspillage de nourriture. Ils mesurent et pèsent le « food waste » pour sensibiliser le personnel et les clients. Ils déploient également des efforts considérables pour réduire le plastique à usage unique. Nous voulons emmener cette culture vers d’autres pôles, notamment la santé. C’est l’avantage d’être un Groupe engagé dans plusieurs activités : les idées qui ont marché dans un pôle peuvent inspirer un autre.